inventeur du micro credit

Vous êtes le père du micro crédit. D’où vous est venu cette idée ?

"Je m’étais rendu sur le terrain dans un village tout près du campus universitaire, pour essayer de voir comment aider les pauvres. J’ai constaté qu’il y avait un système de prêt d’argent qui fonctionnait,

EuroNew a interviewé Muhammad Yunus

Un prix Nobel bien mérité et qui nous fait rebondir sur le problème de la répartition d’argent dans le monde.

On l’appelle "le Banquier des pauvres". Le Bangladais Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006 a entamé une visite européenne pour présenter le premier Observatoire international sur le micro-crédit. C’est à Rome qu’EuroNews a rencontré le fondateur de la Grammen Bank, première banque à utiliser le système du micro-crédit, des petites sommes d’argent prêtées à des déshérités exclus du système bancaire. A ce jour, cent millions de personnes dans le monde ont pu profiter de 6 milliards de dollars de micro-crédits... Muhammad Yunus répond à nos questions.

Vous êtes le père du micro crédit. D’où vous est venu cette idée ?

"Je m’étais rendu sur le terrain dans un village tout près du campus universitaire, pour essayer de voir comment aider les pauvres. J’ai constaté qu’il y avait un système de prêt d’argent qui fonctionnait, j’ai voulu savoir combien de personnes étaient concernées. Quand j’ai fait la liste des gens ayant emprunté à des usuriers j’avais 42 noms. Et le total emprunté était de 27 dollars. J’ai pensé que je pouvais régler le problème facilement si j’apportais moi-même cet argent afin que ces gens puisse rembourser ces usuriers et donc se libérer de ces obligations. C’est donc ce que j’ai fait, j’ai amené l’argent, signé tous les papiers établi quelques règles simples afin d’encourager les personnes à rembourser leurs prêts, ce qui a été fait à 100%. C’est comme ça que tout a commencé. C’était en 1976."

Durant les 15 dernières années, la croissance économique au Bangladech a été de 5%. La banque mondiale estime qu’elle est due à la libéralisation des échanges et à l’augmentation des exportations. Elle ne faut aucunement mention du micro-crédit. Pourquoi cela ? Pensez-vous que le monde économique sous estime le micro crédit ?

"La manière habituelle de mesure le produit intérieur brut ne porte pas suffisamment attention aux secteurs mineurs. le micro crédit est un phénomène nouveau, il n’apparait pas dans les données du produit intérieur brut autant qu’il le devrait."

Pensez-vous que les différences culturelles jouent un rôle dans le développement économique ?

"Certains aspects culturels peuvent apparaitre comme un frein au développement économique, mais le développement économique c’est un processus de changement, et la culture évolue au fur et à mesure que vous avancez. Ce que je veux dire, c’est que la culture s’adapte. Ce n’est pas statique, la culture est un phénomène dynamique."

Vous vous êtes montré assez critique à l’égard de la politique agricole commune de l’Union Européenne. Que proposeriez-vous comme alternative à cette politique.

"En premier il y a la question des aides. Il faut ouvrir le marché le plus possible. Nous parlons de libéralisation mais nous continuons avec les aides. Ce qu’il faut c’est que dès que possible, les produits agricoles du pays du tiers monde puissent arriver en Europe. Cela aidera ces pays à
développer leur agriculture et à exporter leurs produits en Europe, c’est l’alternative que je propose."

Le président vénézuelien Hugo Chavez propose de créer banque du sud. Une banque pour les pays latino américains qui deviendra en grande partie une banque sociale. Que pensez-vous de cette volonté d’autonomie politique et économique ? Et pensez-vous que nous aurons la même chose dans quelques années en Afrique ou en Asie du sud est ?

"Il y a dejà des banques nationales, mais tous leurs fonds proviennent de l’occident. Le point sur lequel vous mettez l’accent, c’est celui de l’argent provenant du sud, d’un fonds propre. Je crois qu’avoir ses fonds propres pour pouvoir créer sa propre banque et pouvoir permettre de développer sa région, c’est un pas très important."

Pourquoi selon vous, c’est le prix nobel de la paix que vous avez obtenu et non pas le prix d’économie ?

"Ces 14 - 15 dernières années, tout le monde me disait que j’allais obtenir le prix Nobel. Certains disaient que ce serait le prix Nobel de la paix, d’autres celui de l’économie, puis finalement, en 2006, c’est le prix Nobel de la Paix qui a été décerné. J’ai été très heureux que cela en soit ainsi. La paix est un sujet qui touche tous les peuples du monde et interpelle tout un chacun. Ca a été un message très fort, je suis très content que le lien ait été fait entre la paix et la pauvreté. La pauvreté a été une menace pour la paix. Ce que je ne cesse de répéter depuis tant d’années. Ca a été une façon de résumer que la paix ne se mesure pas seulement en terme de conflits, de confrontations militaires, la paix c’est beaucoup plus large que ça. La paix concerne aussi la vie des gens dans la société et les coups de projecteurs, tels que le prix Nobel, sont là pour insister sur le fait qu’on doit porter énormément d’attention à la question de la pauvreté."

Merci beaucoup.